DIDIER ACOUETEY, PRÉSIDENT D’AFRICSEARCH : « Le financement de l’entrepreneuriat féminin doit être revu »

DIDIER ACOUETEY, PRÉSIDENT D’AFRICSEARCH : « Le financement de l’entrepreneuriat féminin doit être revu »

DIDIER ACOUETEY, PRÉSIDENT D’AFRICSEARCH : « Le financement de l’entrepreneuriat féminin doit être revu » 770 295 communication@wia-initiative.com

Incontournable, Didier Acouetey est l’expert des questions relatives à l’emploi, la formation et des PME en Afrique. Précurseur, il a fondé il y a vingt ans le cabinet AfricSearch pour répondre à la fuite des cerveaux africains. Son crédo : valoriser les compétences africaines.

 

 

Grâce à Africsearch, vous faîtes partie des pionniers qui ont misé sur l’Afrique, par la valorisation des compétences, à une époque marquée par l’afropessimisme. Pourquoi était-ce si important ?

A l’époque, nous étions nous-même étudiants, à Paris. Nous militions pour la cause panafricaine réunis au sein de l’association « Renaissance africaine », dont j’étais membre avec plusieurs cadres africains au milieu des années 1990. A travers nos travaux, nous avions pris conscience que la renaissance du continent passera par les ressources humaines. Une question au cœur du développement de l’Afrique. Cela nous a amené a créé AfricSearch. A cette époque là, personne ne misait sur le continent mais nous comptions sur les grands changements à venir dont nous étions les acteurs. Les sociétés européennes ne croyaient pas forcément que cette élite, cette compétence africaine existait à l’époque. Et nous leur retournions le sujet sous forme de question : « Et nous, que sommes-nous ? ». Il s’agissait de démontrer que les talents existent et de les mettre à la disposition de l’Afrique. D’autant qu’à ce moment, ces multinationales opéraient une africanisation de leurs équipes présentes en Afrique, une autre opportunité pour les cadres africains.

 

Depuis, vous mettez l’accent sur l’entrepreneuriat et la formation. Quelles sont, selon vous, les compétences nécessaires aux entrepreneurs de demain ?

J’insiste sur deux éléments. Le premier : la nécessité de renforcer les formations techniques et scientifiques. Aujourd’hui, les instituts estiment qu’à peine 2 à 3% des Africains sont formés dans ces filières. Or, nous constatons que la science et les nouvelles technologies sont au cœur de toutes les transformations actuelles. L’innovation reste la clé de l’accélération du développement. Mais l’Afrique ne forme pas suffisamment à ces filières. Ensuite, le deuxième élément réside dans la nécessité de former autrement. Le constat est double : 80 % des métiers nouveaux qui vont exister dans les quinze prochaines années ne sont pas encore connus, selon l’étude d’un think tank américain avec l’entreprise Dell, ainsi que 30% des compétences. La manière dont nous formerons les Africains doit intégrer la question de l’adaptabilité, de l’ouverture et de la capacité à entreprendre. Ces tendances de fond doivent structurer la manière dont il faut envisager la formation sur le continent.

 

 

Confrontées à davantage de difficultés, les femmes doivent-elles faire l’objet d’un accompagnement spécifique ?

Non. Ces grandes tendances s’appliquent aux femmes et aux hommes. Ceci dit, nous constatons que les femmes ont un esprit entrepreneurial très développé en Afrique. Même si elles n’ont pas forcément étudié. C’est l’histoire des Nana Benz, la plupart n’ont pas fait d’études et pourtant elles ont développé un sens du commerce redoutable. Comment les accompagner pour créer des championnes comme on en voit chez les hommes ? Le hasard n’existe pas. Le financement de l’entrepreneuriat féminin doit être revu. Les banques doivent s’inspirer du concept des tontines, inscrit dans la culture africaine pour imaginer de nouvelles formes de financement pour les femmes. Dans un environnement dominé par la gente masculine, nous devons valoriser les expériences entrepreneuriales des femmes. Diffuser ces success story et les théoriser. De nombreux éléments scientifiques peuvent être tirés de ces réussites exceptionnelles. Les femmes doivent davantage participer à la vie des chambres de commerces et partager leur expérience. Il faut réinventer la chaîne de formation, de pédagogie, de transmission du savoir-faire, de théorisation et d’instruments, d’accompagnements de cet entrepreneuriat féminin. D’autant que les femmes s’adaptent beaucoup plus vite au changement que les hommes.

 

Avec le SME forum que vous avez initié, il s’agit de donner de la visibilité à des champions africains en devenir, des hommes comme des femmes.

En effet. Et je m’aperçois que les femmes disposent d’une capacité de résilience extraordinaire. Parce que l’environnement ne favorise pas forcément leur développement, parce que les outils de financement, d’accompagnement spécifique n’existent pas… Arriver dans cet écosystème et faire prospérer son entreprise avec le système D -comme débrouillard- nécessite une forte capacité à rebondir et à innover. Par ailleurs, il faut remarquer que la plupart des femmes entrepreneures évoluent dans le secteur informel. Beaucoup plus que les hommes. Nous pouvons changer ces situations pour les transformer en championnes grâce à un accompagnement spécifique. La question réside dans le financement pour actionner l’effet de levier. Un parcours comme celui de Marie Konaté, présidente directrice générale de PKL (Protein Kissée-La), demeure exemplaire. Il faut être Wonder Woman pour survivre dans ce contexte. Les petites et moyennes entreprises (PME) dirigées par les femmes en Afrique restent invisibles. Dans nos forums, nous essayons d’intégrer un maximum de femmes. Pour l’instant, nous atteignons un taux de 30%. Ce n’est pas suffisant. Il faut que les femmes se mettent davantage en avant. Ces deux dernières années, ce sont des femmes qui ont remportées le prix de la PME de l’année !

 

Mettre en place ces plateformes, SME forum, WIA Initiative, pour connecter, accompagner et valoriser les femmes, voilà l’essentiel ?

Ces réseaux permettent d’abord de reconnaître le talent de ces femmes et d’accepter qu’elles méritent a minima un traitement équivalent aux hommes, voire différencié. Le fait demeure que les femmes restent confrontées à davantage de difficultés, il ne faut ne pas les discriminer davantage, si ce n’est positivement. Il faut que les choses aillent dans ce sens.

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