TOGO : LES HÉRITIÈRES DES NANA BENZ RÉINVENTENT LE COMMERCE

TOGO : LES HÉRITIÈRES DES NANA BENZ RÉINVENTENT LE COMMERCE

TOGO : LES HÉRITIÈRES DES NANA BENZ RÉINVENTENT LE COMMERCE 770 295 communication@wia-initiative.com

Les célèbres Nana Benz, ces Togolaises, reines du commerce local, ont envoyé leurs filles étudier dans les plus grandes écoles. Aujourd’hui, elles leur transmettent les clés de leur affaire et de leur savoir-faire. Résultat, une nouvelle génération de femmes d’affaires est née : les « Nanettes ».

 

 

Dans les années 80, des femmes togolaises ont révolutionné le commerce local et régional. Au départ, simples revendeuses de pagne puis de prêt-à-porter féminin, les Nana Benz vendent aujourd’hui de tout. Fortes de leur succès sur le plan commercial, ces redoutables femmes d’affaires étaient les premières à pouvoir s’offrir des berlines de la célèbre marque allemande. Cependant, confrontées à de nombreux défis tels que la dévaluation du franc CFA, la crise économique des années 1990 et la concurrence chinoise, l’âge d’or du commerce du pagne semblait être révolu. Pour redorer le blason, le passage à une nouvelle ère s’avère la seule solution envisageable.

 

MADAME SEPOPO LAWSON (à droite) et sa fille ESTHER LAWSON AZIABLE qui prend maintenant la relève.

 

« Je dirige l’entreprise comme un héritage commun à toute notre famille et déjà je pense à préparer la relève ».

 

Dotée d’un sens de la créativité inouï et de persévérance, la nouvelle génération de Nana Benz, les « Nanettes » use d’imagination pour faire progresser les chiffres d’affaires de leurs entreprises.

Assise au milieu de sa boutique, Amélie Johnson, troisième génération de « Nana », diplômée d’un master en business administration, n’a pas hésité à reprendre la main après le décès de sa mère afin de perpétuer l’entreprise familiale de commercialisation du pagne. Âgées pour la plupart de 30 à 50 ans, ces Nanettes perpétuent l’« empire » construit par leurs mères leurs ou grands-mères, en y apportant leur touche : les codes du commerce international acquis dans les plus grandes écoles. C’est le cas d’Evelyne Dédé Trénou qui après ses études supérieures a repris l’entreprise de sa mère, l’une des pionnières du secteur, Laura Doe Bruce, célèbre Nana Benz. Née en 1953, elle avait complété son baccalauréat littéraire par des études de marketing à Paris. Par ailleurs, secrétaire de l’Association professionnelle des revendeuses de tissus (APRT) et trésorière générale du Conseil national du patronat du Togo (CNPT), elle confirme : « les connaissances acquises à l’université nous aident beaucoup dans la gestion de nos affaires ». « Le fait d’avoir étudié en Europe permet une large maîtrise de la vente de tissu », poursuit sa consœur Elisabeth Doh-Akakpo. « Nous gérons ainsi plus facilement les problèmes techniques et administratifs, et la reconversion peut devenir une nouvelle option».

Sepopo Lawson, descendante de Manavi Sewoa Ahiankpor alias « Kpenkpen Dede», autre célèbre Nana Benz, a été plus loin que sa mère en ouvrant une galerie en plein cœur d’Assigame, le marché central de la capitale togolaise dans sa boutique « Manatex ». Devenue député au Parlement du Togo, Sepopo Lawson est l’incarnation même de la réussite de cette nouvelle classe de Nana Benz.

 

 

Un modèle de réussite et de leadership féminin

 

Femmes d’affaires, gestionnaires rigoureuses et redoutables, travailleuses indéfectibles, inventives, qu’elles soient grossistes ou revendeuses de pagnes, la nouvelle génération reste pour beaucoup un modèle de réussite et de leadership féminin.

Elles usent parfois d’ingéniosité pour régner sur un marché devenu très concurrentiel. La quarantaine Maureen Ayité qui a aussi repris l’entreprise de sa grand-mère met à profit ses connaissances en nouvelles technologies pour reconquérir les marchés perdus. Et pour parvenir à ses fins, elle fait l’éloge de grandes marques de pagnes sur la toile. « Quand on a une grand-mère qui vous rappelle à chaque instant que la qualité du produit est essentielle, on a acquis la règle d’or du métier. Plutôt que de vendre un produit défectueux à prix réduit, ou un pagne qui déteint, pour se faire de l’argent sur l’instant, elle m’a toujours dit qu’il valait mieux le détruire ou le reprendre car la réputation n’a pas de prix », explique-t-elle tout en gardant les yeux rivés sur son ordinateur. Elle anime au quotidien un blog sur la mode du pagne en vue d’attirer une nouvelle classe de clientèle.

 

ESTHER LAWSON REPREND LA SOCIETE FAMILIALE APRES SA MERE

 

« Son héritage va au-delà de l’argent qu’elle aurait pu me donner. »

 

L’arrivée de la concurrence chinoise dans le secteur a contribué à la nécessité de cette adaptation. Pour couronner le tout, elle n’a pas hésité à créer sa propre marque « Nana Wax ». Avec sa grand-mère, la créatrice de la marque a appris à se différencier de la concurrence car estime-t-elle « il y a plus d’un millier de vendeuses de pagnes dans le secteur donc il faut user d’ingéniosité pour ravir la vedette aux autres. » Et Maureen d’ajouter : « Je souhaiterais rendre hommage aujourd’hui à ma grand-mère qui nous a quitté récemment. Son héritage va au-delà de l’argent. Elle m’a légué ses tissus lors de mes débuts, ses valeurs, ses conseils, son business, son courage. Elle m’a inspirée car elle a élevé seule ses douze enfants, avec le seul fruit de son travail et de sa passion pour le pagne».

 

La diversification des activités pour renforcer leur empire

 

L’introduction de labels par les « Nanettes » a permis au secteur de perdurer tout en garantissant une qualité face au marché de la contrefaçon chinoise. Désormais, l’heure est à la diversification. Assise derrière son bureau situé au troisième étage d’un immeuble flambant neuf qu’elle vient de transformer en un hôtel, Adèle Ameganvi est l’exemple type de cette nouvelle classe de Nana Benz qui a su diversifier ses activités pour exister dans le commerce du pagne devenu très concurrentiel. Désormais, leurs ressources économiques issues du commerce du pagne sont investies dans d’autres domaines comme le foncier. « La sagesse dans la prise de décisions concernant les investissements reste un ingrédient essentiel pour continuer à exister malgré la concurrence. J’ai décidé d’investir dans l’immobilier car c’est un secteur d’avenir. La valeur d’un label de pagne peut déprécier avec le temps mais celle d’un immeuble va toujours augmenter », confie-t-elle.

S’il n’existe pas de chiffres concrets sur les activités de ces femmes d’affaires, tout porte à croire que, grâce à la stratégie de marketing et à la politique de diversification, la nouvelle classe fait mieux que ses aînées. Selon des sources proches du ministère du Commerce, elles jouent un rôle primordial dans le secteur privé au Togo où les femmes représentent 52% de la population active et contribuent à hauteur de 29% de la richesse nationale. Le secteur est capable de dégager un chiffre d’affaires annuel pouvant atteindre deux milliards de francs CFA, selon les mêmes sources. L’ensemble de la profession emploie un effectif estimé entre deux et quatre mille personnes. Toutefois, les incendies du marché central de Lomé en janvier 2012, considéré comme le point névralgique de ce commerce, ont aussi contraint certaines revendeuses à la reconversion. Malgré les défis, la nouvelle génération a pérennisé ce commerce en créant des entreprises qui ont généré de nombreux d’emplois.

Reste à savoir si le nouveau modèle économique qu’elle propose, basé sur la diversification, sera ou non pérenne.

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