Interview exclusive – Dr Fatma Guenoune, Présidente de la Ligue Sénégalise contre le Cancer (LISCA)

Interview exclusive – Dr Fatma Guenoune, Présidente de la Ligue Sénégalise contre le Cancer (LISCA)

Interview exclusive – Dr Fatma Guenoune, Présidente de la Ligue Sénégalise contre le Cancer (LISCA) 1032 581 communication@wia-initiative.com

Depuis quand la LISCA a été créée et quel est son rôle ?

 

La Ligue Nationale Sénégalaise Contre le Cancer est une association créée en 1985 et reconnue par le Ministère de l’Intérieur (récépissé N° 5102 MINT / DAGAT du 26/09/1985).

Cette association est apolitique. Elle exclut aussi toute discrimination idéologique, religieuse ou raciale. Le but de la LISCA est de développer toute forme de lutte contre le cancer sur le plan social, sanitaire, juridique, administratif et de la recherche. Pour y parvenir, la LISCA compte :

  • Rassembler les personnes physiques et morales s’intéressant à la lutte contre le cancer,

  • Fédérer les associations désireuses d’aider à la lutte contre le cancer,

  • Favoriser et coordonner les initiatives des grands organismes publics et privés contribuant à la lutte contre le cancer,

  • Assurer les relations avec les associations  existant dans les autres pays, ainsi qu’avec les organismes internationaux s’intéressant à la lutte contre le cancer,

  • Mettre en œuvre des activités d’information, d’éducation, de communication et de formation susceptibles de rendre plus efficace la lutte contre le cancer,

  • Organiser avec les pouvoirs publics des manifestations à l’échelon national,

  • Éventuellement créer, subventionner et au besoin gérer des établissements ou des activités relatives à la lutte contre le cancer,

 Le prétexte de la création de cette ligue était la réception du premier appareil de cobaltothérapie au Sénégal. La ligue a été crée par des professionnels de la santé et a malheureusement connu une longue période de léthargie car ces professionnels n’avaient pas le temps de faire beaucoup d’actions. En général c’étaient des professeurs d’université. En 2009, la LISCA a été relancé et depuis lors, nous avons modifier les statuts et le règlement intérieur ce qui a permis de faire de la LISCA une fédération de 18 associations dont 6 qui luttent uniquement contre le cancer. Il y a également des associations des professionnels de la santé, l’association de femmes médecins, l’association des infirmiers d’État du Sénégal et nous avons d’autres associations généralistes qui ont une vocation de lutte contre le cancer.

De 2010 à 2021, 17 800 mammographies subventionnées ont été distribuées, 25 143 femmes dépistées pour le cancer du sein, 14506 femmes dépistées pour le cancer du col utérin,  1624 mammographies  totalement gratuites ont été distribuées, 1791 malades ont été pris en charge pour leur diagnostic et leur traitement.

Au Sénégal, le cancer du sein reste le cancer le plus fréquent, avec environ 1700 nouveaux cas par an. Durant ce mois d’Octobre Rose, quelles actions spécifiques prévoyez-vous au Sénégal ?

Nous avons commencé à célébrer Octobre rose en 2010 pour permettre à plusieurs femmes de bénéficier d’une mammographie subventionnée. À l’époque il n’y avait pas beaucoup d’appareils de mammographie dans le public, nous avons donc travaillé avec des radiologues privés du Sénégal qui ont permis de réduire le coût des mammographies durant tout le mois d’octobre. Il faut savoir qu’au Sénégal la mammographie est à 60 000 francs CFA dans le privé. Ils ont donc consenti à réduire le coût de moitié, c’est-à-dire à 30 000 francs CFA. Après nous être réunis, nous sommes venus à la conclusion que la sénégalaise qui veut se faire dépister n’a pas ces 30 000 francs CFA, nous allons donc subventionner la mammographie à hauteur de 15 000 francs CFA. De ce fait, toutes les femmes à partir de 40 ans qui désirent faire une mammographie de dépistage pendant le mois d’octobre (du 1er au 31 octobre) peuvent récupérer au siège de la ligue qui se trouve à Sacré Cœur 3 au rond-point JVC ( géo-localisable avec son téléphone), un bon rose et bénéficier d’une mammographie chez le radiologue de son choix parmi nos partenaires.

Concernant la sensibilisation, nous avons des caravanes de sensibilisation sur les facteurs de risque du cancer du sein. Nous distributions de flyers partout dans Dakar et sa banlieue grâce à des personnes en rollers. De plus, nous préconisons l’autopalpation à partir de 20 ans, tous les mois après les règles. Nous organisions habituellement une randonnée de sensibilisation réunissant plus de 1 500 personnes le premier weekend du mois d’octobre. Malheureusement, l’année dernière et cette année, nous n’avons pas pu l’organiser à cause de la pandémie du COVID-19. Au-delà de ces actions, nous avons aussi des étudiants en médecine et en pharmacie qui nous accompagnent et font du porte-à-porte pendant le mois d’octobre pour sensibiliser les femmes, leur expliquer ce qu’est le cancer, comment réaliser l’autopalpation, comment venir se faire dépister. Nous organisons également des journées de consultations de dépistage en sénologie avec des médecins de l’Institut du cancer et d’autres services de sénologie de Dakar. Ces journées permettent aux femmes de bénéficier de séances de consultation de haut niveau réalisées par des médecins qui viennent donner de leur temps pendant octobre rose pour examiner le maximum de femmes (au siège ou au stade).

Nous allons habituellement dans deux régions par an pendant octobre rose. Nous avons donc créé 28 districts sanitaires grâce à nos partenaires dont ceux de Podor, Dagana, St Louis, Louga, Diourbel, Khombole et Rufisque pour décentraliser nos actions. Nous faisons donc des plaidoyers, ce qui nous permet d’aller dans des coins reculés du Sénégal même en dehors d’octobre rose. C’est vrai qu’octobre rose est notre activité phare mais nous sillonnons le Sénégal tout au long de l’année avec notre camion de dépistage qui nous permet d’aller et de consulter dans des endroits qui n’ont pas de structures sanitaires.

En Afrique, les inégalités d’accès au dépistage et au traitement du cancer sont immenses.  Quels sont les plus grands challenges concernant la santé au Sénégal?

Les principaux défis auxquels est confronté le Sénégal sont ceux de la sensibilisation et de l’accès aux soins, et ce, même dans les zones reculées.

Avec la LISCA, nous occupons également les médias car c’est grâce à aux journalistes et à la presse sénégalaise que nous rentrons dans les foyers. En effet, quand nous sommes invités sur un plateau de télévision, nous avons l’opportunité de sensibiliser massivement , car la sensibilisation ne doit pas se faire uniquement auprès d’une femme mais également auprès de son entourage. C’est de cette manière que chacun pourra à son tour sensibiliser les autres.

Quel a été votre parcours et qu’est-ce qui vous a motivée à vous engager auprès de la Ligue ?

J’ai obtenu mon baccalauréat en série D en 1981. Ensuite, j’ai poursuivi des études en médecine. J’ai eu mon diplôme de Doctorat en médecine en août 1997 et un DIU dé colposcopie et pathologie cervico-vaginales à Paris VI en mars 2002.

J’ai été médecin au Forum des ONG de Dakar en 1994. Je suis également médecin vacataire à l’hôtel KING FAHDPALACE depuis décembre 1998, Vice- Présidente du Conseil National Des Marocains Du Sénégal depuis 2004 et Directrice clinique bénévole de Special Olympics Sénégal depuis 2008. Par la suite, j’ai également été Médecin colposcopiste en charge de l’unité de dépistage et traitements des cancersgynécologiques à l’institut du cancer de l’hôpital Aristide Le DANTEC de juillet 1997 au 13 mars 2020.

Avant de rejoindre la LISCA, je me suis d’abord engagée personnellement à accompagner des malades car en tant que médecin spécialisée en pathologie cervicovaginales je suis affectée à l’unité des dépistages des cancers du col de l’utérus à l’Institut du cancer et j’ai vu les difficultés que rencontrent les malades. À l’époque, la consultation était à 3 000 francs CFA et les femmes n’avait pas les moyens de payer cette consultation, alors vous imaginez pour un bilan diagnostic autour de 500 000 francs CFA. Les femmes n’avaient pas ces moyens-là. Ainsi, quand mes collègues ont voulu faire la relance, j’y ai adhéré pour accompagner et surtout lever le tabou du cancer auprès de la population et plaider au niveau des autorités pour améliorer la prise en charge des malades et donc améliorer leur combat au quotidien. J’ai rejoint la LISCA en 2009 pour être trésorière générale de l’association d’octobre 2009 à décembre 2014. Je suis, depuis le 6 décembre 2014, Présidente de la Ligue sénégalaise contre le cancer.

J’ai eu l’honneur de recevoir plusieurs distinctions et titres honorifiques notamment : une Nomination aux Saphira Awards 2017, Super femme Leadership 2018, Citoyen modèle africain 2018 et Marraine du concours Miss Mathématique 2019 de l’Inspection d’académie de Pikine.

 

Quels conseils donneriez-vous aux femmes sénégalaises qui souhaiteraient évoluer dans le domaine médical ?

Il faut s’orienter en série scientifique et avoir et avoir de très bonnes notes dans les matières scientifiques pour pouvoir être orientée en médecine.

Une fois orientée en médecine, il faut savoir que ce sont des études très difficiles, il faut donc être très persévérante. La première année, il faut s’adapter et s’accrocher car ce sont des études totalement différentes du lycée. Les trois premières années sont les années les plus importantes. Après ces trois années on peut continuer ses études médicales qui durent 8 ans au Sénégal.

Après ces 8 ans et la thèse, il faut se spécialiser. C’est vrai que c’est difficile de se spécialiser après 8 ans d’études et dans certains cas de toujours dépendre des parents qui n’ont pas forcément les moyens car la spécialisation a un coût, quand on n’a pas de bourse . La LISCA accompagne des spécialistes dans leur formation. Elle offre des bourses de spécialisation en chimiothérapie et radiothérapie pour des femmes médecin. Quand nous avons commencé il n’y avait que 10 oncologues au Sénégal, tout compris chirurgie, oncologue médical, anatomopathologiste. Nous avons donc fait beaucoup de plaidoyers pour que l’État ainsi que d’autres entités puissent donner des bourses post-doctorales. Grâce à cela nous avons maintenant des radiothérapeutes et des oncologues. L’État, le Ministère de l’enseignement supérieur et celui de la santé doivent continuer et collaborer afin de pouvoir donner des bourses à ces jeunes. En dépit de toutes les difficultés, il faut vraiment vouloir faire de la médecine et aider son prochain.

La LISCA a pour objectif de former des spécialistes médicaux et paramédicaux, quelle est la place des femmes au sein de ces formations ? (Beaucoup de femmes ? Si non, à votre avis pourquoi? Et quelles seraient pour vous les solutions pour remédier à ce problème?)

La LISCA a formé plus de 1300 sages femmes aux techniques de dépistage des lésions précancéreuses du col de l’utérus dans 28 villes du Sénégal.

Nous avons permis à une femme médecin de terminer sa spécialisation en oncologie médicale et à une autre sa formation en radiothérapie. Deux radiothérapeutes ont pu terminer leur spécialisation grâce à la LISCA.

Parfois nous avons des médecins chefs de district qui nous demandent de former car ils remarquent qu’il y a des manquements dans leur équipe. À Dakar, il nous arrive également de remarquer que nous avons beaucoup de patients qui viennent d’une même zone. Alors, nous allons directement sur place pour former le personnel de santé. Nous formons les sages-femmes aux différentes techniques de dépistage du cancer du col de l’utérus et du cancer du sein, pour qu’elles puissent l’inclure dans leurs soins au quotidien. Ainsi, lorsqu’elles verront une femme pour un planning familial, par exemple, elles procéderont également à un dépistage. L’objectif est de former un maximum de sages-femmes pour étendre le dépistage partout au Sénégal.

Quelle est la vision de la LISCA à long terme?

À long terme, la LISCA souhaite continuer le plaidoyer pour la gratuité totale du traitement de tous les cancers au Sénégal dans la continuité du plaidoyer en mai 2018, pour la gratuité de la chimiothérapie des cancers gynécologiques. Elle souhaite également améliorer le parcours des malades du cancer, contribuer à la construction d’une maison de vie, inciter les jeunes médecins à faire des spécialisations en chirurgie oncologique, oncologie médicale, radiothérapie, anatomie pathologique et psycho-oncologie ainsi que former des radio physiciens et des infirmiers spécialisés.

Women In Africa est spécialisée dans l’accompagnement de l’entreprenariat féminin en Afrique, savez-vous quelle est la situation des femmes entrepreneuses dans la santé au Sénégal ?

Il y a beaucoup de femmes qui s’engagent dans la santé mais en même temps pas assez car elles ne sont pas accompagnées par l’État. En général, elles sont soutenues par des ONG ou associations qui les accompagnent dans la réalisation de leurs projets.

Un commentaire
  • Le cancer du sein est un thème de recherche qui m’importe beaucoup. En fait mon appartenance à la gente féminine fait que je m’y intéresse. Un jour j’ai lu un document de maîtrise très intéressant sur le cancer du sein au département de sociologie de l’ucad. J’ai moi même travaillé sur le thème du cancer du sein lors de la présentation de mon mémoire de master à l’université complutense de Madrid mais j’ai perdu le document après l’avoir envoyé à des amis en 2017 d’ailleurs je suis à la recherche de ce document. J’espère que mes contacts l’on gardé dans leur courrier email. En tout cas j’aimerais réecrir sur le cancer du sein par simple plaisir. Et j’ai même vu qu’il y’a des avancés en ce qui concerne la mammographie j’ai lu quelque part qu’elle était gratuite. En tout cas merci pour votre dévouement à la cause féminine.

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